À propos

A propos de l’installation Chambre de domestique, Musée du papier peint, Mézières Fr, 2020-2021

Rêves de dormeuse

Dans son cadre irisé, ourlé d’un collier de perles, son rêve est délicatement déposé, avec pudeur. Blancs sur noir, les secrets sont gardés précieusement. Maigre butin sans valeur, sans couleur si ce n’est le fil rouge sang.

Sang de la peine, sang de la femme, sang de la colère, sang de son rang, sang de l’amour caché.

La nuit dépose son voile de mystère. Les formes évoquent avec délicatesse et s’évanouissent aussitôt. Décor de fortune qui cache soudain les chutes de papiers peints des vastes chambres des maîtres.

La servante au matin se glisse dans les couloirs et devient la tâche inexorablement répétée, sans jamais recueillir de mercis.

À travers la fenêtre, l’œil s’évade alors sur la prairie verte, la montagne blanche, le ciel bleu et les nuages effilochés… tout comme l’empreinte fragile des rêves de la nuit.

Dorothée Julien, Novembre 2020, Musée du papier peint, Mézières.

Rêves de dormeuse 1

Point de vue

« Sous mes yeux, deux photographies : l’une, un jardin de conte où vous ne voyez que du vert printanier mêlé de jaune pâle et d’argent ; le feuillage frissonne ; dans ce fouillis, se dessine peu à peu, sous le regard, une construction de lignes nettes, une charpente d’arbre et de barrière. Et tout à coup, vers le bas de l’image verticale, l’apparition d’une robe teinte en rouge ponceau suspendue aux branches. L’autre photo montre d’en haut le jardin potager. Là aussi, les nuances vertes dominent, alternant avec les bruns divers de la terre en une sorte de labyrinthe où les rangées de salades, les touffes, les feuilles, les ombelles pourraient être, au lieu de légumes, des motifs, des formes peintes imaginées : une touche de jaune vif ici, plus loin une tache bleue, pâle et délicate ; détails empruntés au désordre de la vie courante que réorganisent l’œil et la main du peintre.

Prises par l’artiste, ces images sont des métaphores de son œuvre où, du croisement des espèces, naissent des envols de coquillages-planètes, d’astres-corolles tournoyant dans l’espace. Des essaims de libellules ou de poissons-volants sont traversés par l’éclair de brindilles vigoureusement tracées ; chrysalides et bourgeons se confondent ; l’écume et la neige se ressemblent ; dans un ciel d’encre, des constellations de fruits se mêlent à des fleurs de givre. Des trouées, parfois, laissent apparaître la toile nue ; ailleurs, des traits au fil de lin -sutures ou cicatrices- traversent l’épiderme transpercé par une aiguille cruelle ou couturière. »

Claire Krähenbühl

Démarche artistique

« La vie est tellement décousue, et moi j’essaie de rassembler les morceaux. »

Louise Bourgeois

Un romantique sentiment de la nature me pousse à tenter d’exprimer mes émotions. J’aime me laisser absorber par la présence de modestes petites choses, parfaites lorsqu’elles se présentent à mon regard ou à mon oreille. Tiges, brindilles, chants d’oiseaux, bruit du vent, tout cela console et porte en soi la réalité de la beauté. Tout cela, précieux et éphémère, va et vient dans le temps et dans l’espace.

L’inspiration se tapit également dans les souvenirs d’enfance ; au cours des années, ils m’aident à « boucler la boucle »…

Je ne saurais vivre sans chercher à déchiffrer la grande partition du monde, fugace, passagère, en constante évolution.

Denn alles Fleisch